Ecologie & Société

Cradle to Cradle: l’interview pour tout comprendre

Rendue publique en 2002 dans un livre signé par ses 2 géniteurs, l'idée a tardé à arriver en France. C'est désormais le cas, nous avons donc demandé à Eric Allodi, directeur d'Integral Vision et représentant de "Cradle to Cradle" dans l'hexagone de nous expliquer ce que certains présentent déjà comme la prochaine révolution industrielle.

MarcelGreen.com: En une phrase, qu’est-ce que l’approche Cradle to Cradle ?

Eric Allodi: C’est une approche qui consiste à avoir un impact bénéfique sur la santé et sur les Hommes en créant des produits qui sont non toxiques et indéfiniment recyclables de manière biologique ou technique.

MG: OK… Et en plus d’une phrase ?

EA: Dans la nature, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Autrement dit, les déchets des uns servent de nourriture aux autres. 

C’est précisément le premier principe du Cradle to Cradle : concevoir des produits qui sont soit biodégradables, soit recyclables. Dans le premier cas, ils s’inscrivent dans un cycle biologique qui les ramène à la terre. Dans le second, ce sont des déchets techniques qui, après usage, serviront de matière première à d’autres produits.

Le second principe du Cradle to Cradle, c’est de s’appuyer au maximum sur les énergies renouvelables.

Le troisième, c’est de célébrer la diversité. C’est à dire de ne pas appliquer systématiquement les mêmes méthodes. Un même produit pourra être conçu de manière biodégradable par une entreprise et de manière recyclable par une autre, par exemple en fonction des matériaux disponibles localement ou des filières de recyclage existantes.

MG: En quoi est-ce différent du recyclage ?

EA: La différence majeure, c’est que dans le Cradle to Cradle, la recyclabilité du produit est pensée dès sa conception. Les matériaux par exemple, sont choisis pour leur non-toxicité bien sûr mais aussi pour leur potentiel de recyclage. De même, les produits sont imaginés pour être faciles à désassembler de façon à ce que chacun de leurs composants puisse suivre une filière de recyclage adaptée.

MG: Est-ce que cela ne revient pas à « déplacer » le problème de toxicité en le confiant aux filières de recyclage ?

EA: Non justement, la méthode Cradle to Cradle impose de concevoir des produits qui sont non-toxiques en fin de vie, quelque soit l’usage qui en sera fait. Ce qu’on déplace, ce n’est pas un problème mais une ressource. En revanche, cela implique que les matières soient recyclables le plus longtemps possible voire indéfiniment…

Nous travaillons par exemple avec DIM qui souhaite produire des collants recyclables à l’infini. Nous avons donc commencé par faire une analyse des matériaux utilisés dans la fabrication des collants et de leur toxicité. Dans l’ensemble, les résultats étaient plutôt satisfaisants sauf pour une teinture, inoffensive pour la peau mais dont les cendres après incinération pouvaient contenir des métaux lourds. Nous l’avons donc remplacée pour que, même si le collant est brulé au lieu d’être recyclé, il ne soit pas toxique.

MG: Le modèle Cradle to Cradle n’est-il applicable qu’aux entreprises ?

EA: Il est généralement utilisé par des entreprises, mais il peut s’étendre à des systèmes plus larges. En Hollande, il a été très vite adopté et en ce moment même, c’est toute une province qui est en train de se convertir. Les industriels et le service de collecte des déchets y collaborent pour concevoir des produits qui sont entièrement biodégradables ou recyclables.

MG: Existe-t-il un label Cradle to Cradle?

EA: Il existe une certification qui garantit que le produit est exempt d’éléments toxiques, qu’il existe bien une filière de recyclage, qu’il utilise des énergies renouvelables, qu’il préserve les ressources en eau et qu’il satisfait a certaines exigences sociales

certified_C2CLe certificat comprend plusieurs niveaux: basique, argent, or ou platine. Cela permet aux entreprises de faire un premier pas puis de monter en puissance progressivement. C’est un des principes forts du Cradle to Cradle : on ne demande pas aux industriels d’être parfaits du premier coup mais ils s’engagent à progresser.

MG: Comment s’obtient-il ?

EA: 3 laboratoires dans le monde sont autorisés à réaliser des évaluations C2C: un à Hambourg, un aux Etats-Unis et un en Hollande. Les résultats de ces évaluations sont ensuite envoyés à MBDC aux Etat-Unis qui est détenteur de la license, ce laboratoire réalise un audit des résultats et décide ou non de délivrer le certificat.

MG: Quel est le rôle du consommateur dans le système Cradle to Cradle ?

EA: Il est essentiel car il s’agit d’une chaine d’interdépendance au sein de laquelle l’industriel, ses fournisseurs et ses clients sont tous co-responsables de la non-toxicité de leur activité. Si le consommateur ne participe pas au recyclage par exemple, il brise cette chaine.

Dans le cas des collants par exemple, il a fallu que DIM trouve des fournisseurs en mesure de lui fournir les matériaux dont il avait besoin, mais également un partenaire pour faciliter le retour des collants usagés par les clients.

C’est ce qui fait que le Cradle to Cradle n’est pas seulement un système de production industriel. C’est véritablement une philosophie, qui nous invite à cesser de voir l’activité humaine comme un problème pour la planète mais comme une solution.

Faire « comme avant » en s’efforçant de réduire son impact négatif, c’est toujours faire partie du problème. Au contraire, nous défendons l’idée de faire d’emblée partie de la solution en ayant un impact bénéfique pour la planète et pour les Hommes.

MG: Cette idée séduit-elle en France ?

EA: Le concept commence vraiment à se développer cette année en France. Nous travaillons par exemple avec DIM ou Nespresso. Mais nous souhaitons qu’il rencontre le même succès qu’en Hollande où il a été carrément adopté par le Ministère de l’Ecologie qui l’intègre par exemple dans ses appels d’offre publics.

+ d'infos: Cradle to CradleIntegral Vision

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