Ecologie & Société

Des monnaies créées de toutes pièces

Introduction

Nerf de la guerre, source d’inégalités toujours plus grandes, il existe des gens qui partent en guerre contre l’argent tel que nous le connaissons. Celui que l’on gagne et que l’on fait dormir à la banque.

Le philosophe Patrick Viveret auteur du rapport "Reconsidérer la richesse" est le principal théoricien français d’un type d’échanges nouveaux et solidaires, qui prendrait nos modes de commerce actuels à contre-pied. Payer pour un cours de guitare, rien de plus normal. Payer pour acheter à manger, rien de plus normal. A vrai dire on ne voit pas vraiment d’autres façons de procéder. Et pourtant, il en existe.

Dans les années 60, sont ainsi apparues des monnaies alternatives, par exemple pour stimuler le développement d’échanges solidaires et une meilleure synergie d’acteurs économiques locaux. La FING (Fondation Internet et Nouvelle Générations) parle même de près de "5000 monnaies alternatives différentes de par le monde".

Sans aller jusque-là, nous vous en présentons quelques-unes dans les pages suivantes.

Au fait, quelqu’un a des nouvelles d’Eric Cantona, le footballeur qui voulait mettre le système bancaire à terre ?


1. Le SOL

L’association SOL par exemple expérimente dans 5 régions françaises (Bretagne, Ile de France, Nord Pas de calais, Rhône Alpes et Alsace) un nouvel outil pour échanger autrement. Elle a donc créé de toutes pièces (humour) une unité monétaire qu’elle a appelée… le SOL !

L’association n’est pas seule dans ce projet et est accompagnée de compagnies d’assurances et de banques, notamment le Crédit Coopératif. Première différence avec l’argent que nous connaissons, c’est que le SOL (d’une valeur unitaire de 0,10€) est entièrement dématérialisé. Au fait, vous vous souvenez de Patrick Viveret dont nous vous parlions dans l’introduction ? Eh bien le SOL est une inspiration directe de ses travaux. Seule une carte à puce peut témoigner de son existence. Pas de billets, de pièces ni de chèques. Vous pouvez l’admirer ci-contre.

Carte SOL
Bien sûr, comme toute initiative solidaire récente, le rayon de son impact est assez limité. Comprenez que vous ne pouvez pas faire vos courses chez M. Leclerc ou M. Casino avec votre carte SOL. Il vous faudra pour cela choisir des enseignes partenaires de l’association, qui proposent un fonctionnement plus solidaire et durable. Et puis contrairement à l’argent que nous connaissons, rien ne sert de capitaliser. Au contraire. Ici, pas d’intérêts positifs mais plutôt négatifs : les SOLs capitalisés perdent de leur valeur au cours du temps (ce que l’on appelle une monnaie fondante), forçant ainsi le consommateur à faire vivre l’économie solidaire. Quant à la valeur perdue de vos SOLs capitalisés, elle ne l’est pas vraiment puisqu’elle va alimenter un fonds commun de soutien à des projets humanitaires.


Pour les subtilités de la chose, et il y en a, vous trouverez toutes les informations sur www.sol-reseau.org


2. Les SEL

Les SEL (système d’échange local) s’inspirent d’un système d’échanges vieux comme le monde : le troc. Sauf qu’il n’est pas question ici d’échange de biens, mais d’échange de services au sein de ces associations de type loi 1901. Là encore, et comme pour le SOL, la monnaie n’est pas "physique". Chaque adhérent à l’association arrive avec des capacités qui lui sont propres : une anglophone, un joueur de piano, un mécanicien, une couturière… Le principe : pour un service prêté, un service rendu.

SEL
La demoiselle donne un cours d’anglais d’une heure au membre de l’association joueur de piano. Elle capitalise donc une heure d’un service auquel elle aura droit de la part d’un autre membre du SEL. Et ainsi de suite. Un vrai échange de service. En France, il y a ainsi 410 SEL référencés, soit un système bien plus développé et structuré que ce qu’est le SOL actuellement.


+ d’infos : www.selidaire.org


3. D’autres exemples européens

drapeaux

L’idée des SEL est bonne. Elle n’est pas française, puisqu’elle a été inspiré des LETS (Local exchange trading system) britanniques, mais elle est bonne. Elle l’est tellement qu’elle a d’ailleurs été reprise par plusieurs de nos voisins européens qui se sont eux aussi lancés dans une aventure similaire.

En Italie par exemple, la Banca del Tempo, soit "La banque du temps". Le principe n’est pas à détailler, puisqu’il est le même que celui des SEL, à savoir un échange de temps entre personnes adhérentes à l’association. Le procédé a déjà plus de 20 ans de l’autre côté des Alpes puisqu’il a commencé en 1988 en Emilie-Romagne, dans le Nord de la botte.

Quant à la Belgique, ce sont les Réseaux d’échanges de savoir (RES). Eux aussi proposent un échange de compétences et de temps entre personnes. Comme les SEL, comme la Banque du temps italienne, et il existe aujourd’hui une quinzaine de réseaux de ce type dans la région de Bruxelles et en Wallonie.

Et puis il y a aussi des systèmes équivalents en Espagne ou en Allemagne, évoluant en parallèle de l’économie traditionnelle de ces pays et de nos sociétés, mais nous allions vite tomber dans la redite…


4. Quand la Suisse tente une nouvelle monnaie

Que la Suisse, le pays des banques et du secret bancaire,accueille sur son sol une monnaie alternative, il y a un paradoxe rigolo que nous ne pouvions décemment pas laisser passer.

banque_wir
La monnaie "Wir" ne fonctionne pas indépendamment mais avec le Franc Suisse. Le système Wir s’adresse avant tout aux PME et regroupe environ 60 000 participants. La banque le vend comme un système entraînant une progression du chiffre d’affaire de la société, puisque si une entreprise rejoint le système Wir, elle entre en contact avec des milliers d’autres, et les échanges qu’elle effectue dans ce système lui apportent des Francs Suisses en trésorerie (puisque celui-ci n’est pas isolé du Wir, souvenez-vous les lignes du dessus).

Aussi peu facile à comprendre qu’à expliquer, on touche là peut-être à la limite de la monnaie alternative, puisqu’elle est elle-même gérée par une banque dédiée et s’adresse aux entreprises plus qu’aux particuliers ayant une vision du monde différente de l’actuel.

+ d’infos : www.wir.ch


5. L’exemple argentin, une monnaie nécessaire

argentine
Les monnaies alternatives n’existent pas que pour apporter un complément aux devises déjà existantes. Elles peuvent parfois en prendre la place. Ainsi, si vous vous souvenez de la fin des années 90, vous savez qu’il y a eu une grave crise économique en Argentine et que le peso (la monnaie argentine) avait été grandement dévaluée, envoyant une bonne partie de la population dans les abîmes de la grande pauvreté. A quelques endroits dans le pays, on a donc assisté à un essor du troc que connaissaient nos ancêtres.

Une organisation qui régissait les pratiques du troc depuis le milieu des 90’s (le "Réseau global des clubs de troc multiréciproque") et qui a connu un essor considérable a même tenté de lancer sa propre monnaie, le "crédito", en pleine crise, monnaie qui aurait pu remplacer le peso. Mais la contrefaçon massive du crédito aura eu raison de son existence.


6. La conclusion, à méditer

Mais si le principe de "monnaies alternatives" nous paraît lointain et devoir être réservé à des pays en difficultés, des altermondialistes convaincus, ou à des tribus amazoniennes, essayez-donc de méditer sur ce qu’en dit Paul Soriano, rédacteur en chef de la revue Medium : " Par exemple les chèques restaurant ou encore les miles des programmes de fidélisation des compagnies aériennes (…) sont des monnaies plus ou moins « affectées » à un usage : ce sont donc de pseudo-monnaies". Vous, comme nous, utilisez donc (ou connaissez au moins quelqu’un qui les utilise) d’autres monnaies que l’euro.


Alors pourquoi ne pas en tester encore d’autres ?

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